Sur Twitpic, vos photos vous appartiennent-elles vraiment ?
Les sites de partage de photos sur Twitter sont des services en ligne comme les autres : il faut bien qu'ils gagnent de l'argent. À ce petit jeu, Twitpic a trouvé une solution assez dérangeante : soutirer les droits d'auteur de ses utilisateurs.
TechCrunch Europe révèle en effet que Twitpic a signé avec le groupe de presse WENN un accord pour “représenter ces images”. Le hic, bien sûr, c'est que par défaut, les droits d'auteurs attachés auxdites images restent la propriété des utilisateurs. Qu'à cela ne tienne ! Twitpic annonce sur son blog avoir modifié (pardon, “clarifié”) les conditions d'utilisation du service, qui stipulent dorénavant :
… vous accordez par les présentes à Twitpic une licence mondiale, non exclusive, gratuite, sous-licenciable et transférable pour utiliser, reproduire, distribuer, préparer des oeuvres dérivées [des images] … ainsi qu'après votre retrait ou suppression de vos contenus du Service, dans le cas où toute sous-licence par Twitpic pour l'utilisation, la reproduction ou la distribution du Contenu antérieure à votre désinscription serait perpétuelle et irrévocable.
Traduction :
- Théoriquement, vos images vous appartiennent encore, mais… dans la pratique, Twitpic peut en faire ce que bon lui semble sans vous verser un kopeck.
- Même au cas où vous auriez la présence d'esprit d'enlever vos photos et de vous désinscrire, Twitpic conserve des droits sur ces contenus s'il a déjà passé avec des tiers des accords les concernant.
Notez au passage que Twitpic est loin d'être le seul service à avoir mis en place ce type de clause. Selon le blog A Photo Editor, les services picplz, Color, yFrog, Instagram, Flickr, et Lockerz (anciennement Plixi) font à peu près la même chose. En réalité, parmi les services les plus populaires, seul Mobypicture met un point d'honneur à respecter scrupuleusement la propriété intellectuelle de ses utilisateurs :
Tous les droits sur les contenus téléchargés par nos utilisateurs demeurent la propriété de nos utilisateurs et ne peuvent en aucune manière être vendus ou utilisés par Mobypicture ou des partenaires tiers affiliés sans le consentement de l'utilisateur. Ceci signifie que Mobypicture ne vendra JAMAIS vos droits sur vos photos et vidéos partagées. Vos contenus vous appartiennent !
Tout cela est proprement hallucinant, et pose un nombre incalculable de questions juridiques. Les deux premières qui me viennent à l'esprit :
- D'abord, bien sûr, s'agissant de la validité de ce genre de clauses. En France, pas de discussion : cela s'appelle une cession globale des oeuvres futures et c'est formellement interdit. Aux États-Unis, les choses sont moins claires, mais les angles d'attaque ne manquent pas, sur le terrain du copyright et surtout du droit des contrats. En filigrane, on retrouve, comme toujours avec Internet, la question de la territorialité : quel droit appliquer ? celui du lieu du service ou celui de l'utilisateur ?
- Ensuite, la situation pose un problème de consentement, dans la mesure où l'adhésion au service est quasi-automatique à partir du moment où vous disposez d'un compte Twitter. Les choses ont peut-être changé, mais je suis à peu près certain de n'avoir jamais accepté, d'une manière ou d'une autre, de “conditions d'utilisation” lorsque j'ai commencé à utiliser le service. C'est toute la simplicité du système : si vous avez un compte Twitter, il suffit d'uploader une photo sur Twitpic avec votre téléphone ou autre, et hop !, vous avez un compte Twitpic.
Reste à savoir quelle attitude adopter, en tant qu'utilisateur, face à cette situation. Certaines photos publiées sur les services comme Twitpic, yFrog ou Plixi acquièrent une valeur considérable (l'amerrisage d'un avion sur l'Hudson River à New York par exemple, ou encore certaines photos des violences en Iran) : leurs auteurs doivent-ils, parce que c'est tellement plus pratique, courir le risque de voir leur cliché faire le tour du monde sans toucher un sou ?
Par manque d'information, ou tout simplement par esprit pratique, il y a de bonnes chances que ce soit le cas : c'est sans doute là-dessus que mise Twitpic. Attention quand même au retour de bâton judiciaire.