Déni de racisme
(Texte initialement publié sur Blogger)
Il s'est trouvé une poignée de députés pour demander une commission d'enquête parlementaire sur le port de la burqa parmi les femmes musulmanes. L'objectif avoué de la manoeuvre étant, à terme, d'interdire la pratique en question dans les lieux publics. Comme par hasard, même le porte-parole du gouvernement est d'accord. Et le seul moyen de poursuivre cet objectif serait non pas de viser explicitement la burqa ou la religion musulmane (on n'est pas raciste, tout de même, hein, et puis on n'a rien contre les bonnes soeurs), mais bien de requérir que le visage de chacun(e) soit découvert en public. Les rêves les plus fous de l'extrême-droite sont sur le point d'être réalisés.
La France a beau être, pour l'éternité, le pays des droits de l'homme et du bon goût, il y a certains impératifs sur lesquels on ne transige pas. Sauvegarde - que dis-je, sauvetage ! - de la civilisation occidentale pour les plus atteints, préservation de la liberté des femmes - au besoin, contre leur gré et par la contrainte - pour les autres, chacun récite le prêt-à-penser qui indispose le moins sa propre mythologie politique pour s'autoriser à hurler avec la meute. Le consensus est d'autant plus excitant qu'il permet à chaque partie de se laisser séduire par les arguments d'en face. Sans se l'avouer, bien sûr.
Pause. Lorsque Barack Obama fustige, dans son discours du Caire, les pays occidentaux qui veulent “dicter ce qu'une femme musulmane devrait porter”, pour appeler derechef à ne pas “déguiser l'hostilité envers la religion sous couvert de libéralisme”, il n'exprime pas une opinion farfelue ou anti-française - il ne fait que rappeler que le premier devoir d'une démocratie, c'est de laisser ses citoyens vivre en paix et selon leurs propres croyances, aussi minoritaires fussent-elles. C'est, du reste, la position de l'écrasante majorité de nos voisins et alliés.
Alors peut-être bien que nous, Français, avons en l'occurrence raison contre tous. Nous serions alors les seuls à comprendre qu'il n'est pas ici question de la tolérance la plus élémentaire ou du rapport à l'autre, mais d'assurer la survie de notre “civilisation” en foulant aux pieds la seule valeur dont celle-ci dépend ; que le plus important n'est pas l'interdiction pour l'État de se mêler de ce qui ne le regarde pas, mais d'émanciper des femmes en les excluant de nos écoles publiques ou, demain, en les forçant à se cloîtrer chez elles.
Mais même si tel est le cas, je nous souhaite bien du courage. Parce qu'il en faudra, demain, pour expliquer au monde que c'est pour défendre les valeurs de la République que l'agent de police, dans cette vidéo filmée par un passant et publiée sur YouTube, est en train d'arrêter une musulmane au motif qu'elle porte un vêtement interdit par la loi.