Élection de Barack Obama : la portée (2/2)
(Texte initialement publié sur Blogger)
Après un billet consacré aux causes de l'élection de Barack Obama, je me penche aujourd'hui sur sa portée. Sa portée, mais pas plus : une analyse des conséquences ne saurait trouver tout son sens qu'à l'issue du mandat du futur président américain. Pour l'instant, contentons-nous de ce que cette élection nous apprend aujourd'hui.
Premièrement, la victoire de Barack Obama rappelle aux anti-américains de tout poil exactement ce qu'ils renient et détestent chez les États-Unis : que ce peuple est probablement le moins bigot et le plus tolérant de la planète ; et que son système politique est, parmi toutes les démocraties en activité, celui qui convient le mieux à une société ouverte mais unie, fière de sa diversité mais fraternelle, libérale mais éprise de responsabilité individuelle.
À cet égard, la joie que de nombreux libéraux “classiques” ressentent malgré certains aspects de la campagne du candidat démocrate ne trompe pas. Steve Chapman écrit, dans Reason :
L'improbabilité de son ascension devrait réconforter les conservateurs dans leur moment de déception. Cette élection fournit la preuve irréfutable que l'Amérique est un pays particulier, avec des possibilités qui n'existent pas ailleurs. Elle montre que nos critiques les plus sévères - Jeremiah Wright vient à l'esprit - oublient quelque chose d'essentiel. Aucune personne de bonne volonté ne peut voir ce qui c'est passé mardi et dire : “Dieu maudisse l'Amérique.”
À cet égard, le contenu du discours de concession de John McCain et de celui de victoire de Barack Obama se rejoingnent de façon remarquable. Le premier, rappelant enfin mais trop tard son vrai visage, a déclaré :
Il y a un siècle, l'invitation de Booker T. Washington par le président Theodore Roosevelt à dîner à la Maison blanche fut prise comme un outrage par de nombreuses personnes. L'Amérique d'aujourd'hui est à des années lumière de la bigoterie cruelle et arrogante de cette époque. Il n'y a pas de meilleure preuve de cela que l'élection d'un Afro-Américain à la présidence des États-Unis.
Le second, dans un élan qui aura peut-être surpris les plus sectaires de ses partisans, n'a pas hésité à rendre hommage aux valeurs initialement portées par le parti républicain :
Souvenons-nous que c'était un homme de cet État qui a porté le premier la bannière du parti républicain à la Maison blanche, un parti fondé sur les valeurs de l'indépendance, de la liberté individuelle et de l'unité nationale.
C'est dire qu'après l'extrême polarisation affichée lors de l'élection précédente entre John Kerry et George W. Bush, celle d'avant-hier révèle ce que la campagne avait certainement un peu trop fait oublier : qu'entre Barack Obama et John McCain, il y a sur le fond beaucoup moins de différences qu'on ne le pense - moins en tout cas qu'entre ce dernier et l'actuel président américain.
Et c'est dans ce consensus que réside la deuxième grande leçon de cette élection. L'annonce du mandat à venir semble constituer une source quasi-intarissable d'inspiration chez les modérés de tout bord, tant à l'intérieur des frontières américaines qu'au delà. En comparaison, les deux derniers mandats furent placés, pour le meilleur ou pour le pire, sous le signe de l'action dans l'urgence (réaction militaire nécessaire face à la menace terroriste ; législation sécuritaire jugée tout aussi nécessaire pour juguler cette menace ; guerre en Irak mal justifiée, dans la confusion entre objectifs de sécurité intérieure, diffusion des valeurs démocratiques et une ligne géopolitique floue).
Au coeur de cette tumultueuse période de transition, la question se posait jusqu'à présent sur le point de savoir si le XXème siècle s'était clos en 1989 par la chute du mur de Berlin et la mort annoncée du bloc communiste, ou plutôt en 2001 par l'effondrement des Twin Towers et celle de “l'empire américain”.
Dans ce contexte, l'avènement de Barack Obama a été aussi fulgurant que totalement inattendu. Les innovations technologiques qui l'ont accompagné et qui ont caractérisé la campagne, révolutionnaires. Cette élection redonne un souffle aussi puissant que nécessaire aux valeurs fondatrices de l'Amérique, et qui composent la matrice essentielle de toutes les démocraties.
L'inspiration suscitée porte en elle le ferment de toutes les déceptions qu'elle peut engendrer, mais elle ouvre d'ores-et-déjà la voie à une nouvelle ère. Elle marque la véritable entrée de notre civilisation dans son XXIème siècle.