Un an de prison ferme pour le “lanceur de chat” : quand l'indignation tourne à l'absurde  

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“Farid de la Morlette” vient d'être condamné à un an de prison ferme pour avoir maltraité un chat. Ce jeune homme marseillais avait suscité la colère des internautes après avoir publié des vidéos de lui lançant un petit chaton dans les airs. Une sanction ridicule ? Elle est surtout très inquiétante, pour Rubin Sfadj, ancien avocat.

(Texte initialement publié sur Le Plus)

Il doit pas être bien brilliant, Farid de la Morlette (qui s’écrit d’ailleurs Maurelette, pour information — la vôtre et la sienne —, d’après le nom de la cité dont notre homme est apparemment originaire).

Non content de s’adonner au lancer de chats, le mec publie ses exploits en vidéo sur Facebook. Non, c’est sûr : Farid, c’est pas une lumière.

S’il avait été un peu plus vif, Farid, il aurait peut-être prévu que ses vidéos feraient pas marrer tout le monde sur Internet. Il aurait aussi pu imaginer que quelqu’un finirait par le signaler à la police. Avec un minimum de jugeote, il se serait même attendu à passer un sale quart d’heure au poste, voire au tribunal.

Mais le reste ?

Une interpellation en moins de 24 heures assortie de deux jours de préventive ? La twittosphère française en fusion ? Deux cent mille likes sur une page Facebook, supprimée depuis, qui demandait à ce qu’il finisse en prison ? Les récupérations politiques tous azimuts ? Les appels au lynchage ? Les menaces de mort ?

Et surtout, au bout de l’absurde, un an de prison ferme ?

Ça, même avec le triple de QI et le meilleur avocat, Farid aurait pas pu le prévoir : un an ferme pour avoir fracturé la patte d’un chaton. Vous pourriez casser le bras ou la jambe de votre voisin ou de votre femme et vous en tirer pour moins que ça. Et y’en a pas mal qui le font.

Alors de deux choses l’une : soit les chats ont pris le contrôle du cerveau des plus vulnérables d’entre nous, forces de l’ordre et justice comprises, et les heures les plus sombres de notre histoire sont devant nous — soit ce pays est en train de devenir complètement dingue.

Sérieusement, il y a quelque chose d’inquiétant à voir exactement la même machine, les mêmes instincts grégaires se mettre en branle qu’il s’agisse de l’expulsion d’une Rom de 15 ans, du soutien à un bijoutier qui se prend pour John Wayne, ou de la chasse à un débile léger coupable d’avoir cassé une patte à un chaton.

La cause n’a plus d’importance : seule compte l’indignation. Seule compte, au final, l’exaspération chronique d’une population qui attend constamment, fait divers après fait divers, le prochain prétexte à l’éructation de sa haine. Une haine à l’état brut, sauvage et abrutissante. Du genre de celle qu’il faut pour martyriser un chaton de cinq mois, mais en pire, parce qu’elle a la puissance de la masse.

Je souhaite à Oscar le chaton un prompt rétablissement, et à Farid un jugement en appel un peu plus serein, le temps que le soufflé retombe.

Quant à nous autres, on est bien mal barrés.

 
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