Tout ce que n’était pas la manifestation du 19 juillet
Avant que chaque commentateur, sa voisine et son perroquet ne viennent tour à tour expliquer, chacun avec une opinion aussi bien arrêtée que ses préjugés divers et variés, ce qu’était exactement la manifestation de ce samedi 19 juillet, je vous propose une méthode alternative : listons ensemble tout ce que cette manifestation n’était pas.
Il ne faut pas se fier aux apparences : ce n’était pas une manifestation de “soutien au peuple palestinien”. Des manifs de ce type, il s’en organise toutes les semaines en Europe, en Amérique et même en Israël, sans qu’on éprouve le besoin d’arracher la chaussée des trottoirs ou de détruire des terrasses de café.
L’expression a beau être à la mode, ce n’était pas une tentative “d’importation du conflit israélo-palestinien”. Ou alors il faut m’expliquer où étaient tous ces importateurs quand le Hamas a pris par la force le contrôle de la Bande de Gaza, liquidé les partisans du Fatah et terrorisé la population palestinienne.
Plus généralement, ce n’était pas une expression de “solidarité” arabe ou musulmane. À moins qu’il ne soit aussi prévu de manifester toutes les semaines devant l’ambassade de Syrie en signe de solidarité avec les 170 000 victimes de Bachar el-Assad.
Même si certains ont très envie de déplacer le sujet, ce n’était pas une scène de “guerre de religion” ou de “violences communautaires”. Autant l’explication pouvait faire illusion tant qu’il était encore possible d’exagérer jusqu’au ridicule les “provocations” de tel ou tel groupuscule, autant on n’a vu ni la LDJ ni le Bétar pointer cette fois-ci le bout de leur nez, qui n’est d’ailleurs pas si gros qu’on aime à l’imaginer (certains clichés ont la vie dure).
Enfin, même si ça y ressemble beaucoup, ce n’était pas une “manifestation antisémite” — ou plutôt pas seulement. Il s’est passé quelque chose de différent à Paris qu’à Dublin, Londres ou Berlin, où on ne s’est pas moins gêné pour brûler le drapeau israélien et crier “Mort aux Juifs”, mais dans une ambiance somme toute assez détendue et très bon enfant.
Procédons par élimination : si ce n’était ni une manifestation de soutien au peuple palestinien, ni une tentative d’importation du conflit israélo-palestinien, ni un élan (un peu brutal) de solidarité arabo-musulmane, ni le début d’une guerre de religion, ni même un défoulement antisémite, c’était quoi ?
Eh bien, voyez-vous, c’était une vraie, une bonne vieille émeute. C’est-à-dire, pour reprendre la définition de Larousse, une “explosion de violence”.
Quelles qu’en soient les raisons profondes et les déclencheurs superficiels, ce à quoi nous avons assisté le samedi 19 juillet 2014 à Paris est avant tout une explosion de violence. Voilà le réel auquel personne, quels que soient ses préjugés, son idéologie politique ou ses calculs à la petite semaine, ne peut échapper.
Chacun — gouvernements successifs, personnel politique, experts et commentateurs, presse, médias, et même le bon peuple de France — s’applique consciencieusement à mettre cette violence en sourdine, à l’ignorer, à la glisser sous le tapis à chaque fois que le vent du boulet s’en fait sentir.
Mais c’est une violence qui gronde depuis maintenant très longtemps et qui, de passage à l’acte en passage à l’acte (vous vous souvenez de 2005 ?), est aujourd’hui impossible à ignorer.