Pseudo-anyonymat ou vraie liberté ?

Un certain nombre de membres illustres de la blogosphère s'attaquent à la question de l'anonymat, et à la critique succède l'apologie.

Mais la question de l'anonymat est-elle si nouvelle qu'il y paraît ? Les auteurs n'ont pas attendu l'avènement d'Internet, et encore moins des blogs, pour préférer la liberté d'un personnage créé de toutes pièces à la responsabilité d'une réputation à maintenir. Sait-on que l'identité de nombreux poètes et écrivains du XVIème siècle (et non des moindres) demeure à ce jour indécise ? Que même les plus remarquables des hommes d'Etat y ont parfois eu recours1 ?

Les temps ont certes changé, et il y a moins de risque à tenir un blog au XXIème siècle qu'il n'y en avait à écrire de la poésie au XVIème ou des essais politiques au XVIIIème (encore que). C'est dire que nous ne sommes pas en présence d'un anonymat nécessaire, mais d'une pseudonymie choisie, surtout dans la mesure où nombre de nos inconnus célèbres se rencontrent avec plaisir le dernier mercredi de chaque mois !

Ainsi, trois stratégies de gestion de l'identité me semblent coexister au sein de notre belle blogosphère : il y a d'abord ceux qui, bêtement peut-être, ont inscrit leurs véritables nom et prénom dans les petites cases à remplir lors de la création de leur blog ; ensuite, il y a ceux qui, instinctivement sûrement, ont préféré s'en tenir à un pseudonyme — on n'est jamais trop prudent ; enfin, il y a les indécis, peut-être les plus malins, qui ont fait les deux à la fois.

Vous vous en doutez, votre serviteur fait partie de la première catégorie. Un nom comme le mien, ça ne s'invente pas, à moins de faire preuve d'une imagination que rien n'aurait destinée à accoucher d'une banale carrière d'avocat et d'un terne petit blog de politique et d'économie. Et puis soyons honnêtes jusqu'au bout (puisque c'est de transparence dont il est question) ; si j'avais eu une petite once d'imagination, moi aussi j'aurais pris un pseudonyme original et accrocheur. Je l'avoue, j'ai eu beau chercher, rien n'est venu.

D'ailleurs, et pour être un peu cru (quelle audace !), je me demande bien ce que ça pourrait nous foutre, à nous autres qui sommes assez naïfs ou arides pour signer nos textes de notre propre nom, que certains aient choisi de procéder autrement ? Si nous devons les accuser de lâcheté, regardons la nôtre en face : combien de fois n'avons nous pas écrit telle phrase, publié tel texte de crainte de voir notre réputation malmenée ?

Dans ces conditions, difficile d'en vouloir à ceux qui, dans un intelligent mélange de réserve et d'imagination, préfèrent livrer leurs brillantes pensées sous pseudonyme. Il y a des vocations qui se perdent…


  1. À cet égard, je ne puis m'empêcher de remarquer qu'à l'époque déjà, nos ancêtres avaient une dent contre l'anonymat : comme l'indique l'article auquel renvoie le lien, c'est à l'occasion d'une édition française des Federalist Papers que l'identité de leurs auteurs fut révélée ! 

 
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