Qui veut la peau de Dany Boon ?
(Texte initialement publié sur Blogger
Curieuse attitude que de refuser à son prochain un droit qu'on revendique et qu'on exerce pour soi-même. Voir par exemple : Jean-François Copé s'arrogeant, pour l'interdire aux principales intéressées, le droit de juger si le port de la burqa relève ou non de l'exercice du culte musulman.
Voir aussi Authueil et dans sa roue Luc Mandret conseillant à Dany Boon, comédien originaire du Nord-Pas-de-Calais, de “fermer sa gueule” au sujet de l'élection municipale de Hénin-Beaumont, au motif qu'il “n'habite pas Hénin-Beaumont” et “ne connaît rien des motivations du vote des habitants”.
En analyste politique chevronné, Authueil a pourtant raison sur au moins deux points : premièrement, c'est probablement le maire PS, aujourd'hui en prison, qui a grand ouvert la porte au Front national dans cette élection ; et deuxièmement, la constitution quasi-pavlovienne d'un “front républicain” n'arrange rien, en tant qu'elle sert surtout à masquer “l'incapacité à formuler une offre positive” face à Marine Le Pen.
Mais Authueil et Luc habitent-t-ils, eux, à Hénin-Beaumont ? Non, ils habitent à Paris. Connaissent-ils les motivations des électeurs de cette ville mieux qu'un “millionnaire” en “exil à Los Angeles” ? Rien ne permet de le présumer : l'un travaille à l'Assemblée nationale, l'autre dans la communication web. Pas exactement des prolétaires, eux non plus. Au moins Dany Boon connaît-il le contexte régional : c'est là qu'il a grandi.
Au jeu du FN, qui conteste non pas la teneur des arguments opposés mais carrément le droit à la parole de leur auteur — le messager plutôt que le message, l'essence plutôt que le sens —, je vois mal en quoi Authueil et Luc ont plus de légitimité à s'exprimer sur le sort de Hénin-Beaumont que Dany Boon : lui est en “exil”, mais leur expertise est tout aussi “détachée de la réalité”. À ce petit jeu-là, qui s'appelle la démagogie, personne n'a le droit à la parole contre le vrai choix des électeurs, le choix du réel, le choix de la terre. Ni le monde à l'extérieur de Hénin-Beaumont, qui ne connaît pas, ni les républicains, qui ont trahi.
Libre à chacun, bien sûr, de critiquer le caractère trivial sur le fond et maladroit sur la forme de la modeste tentative de Dany Boon. Mais lui conseiller de “fermer sa gueule”, c'est accepter les règles du jeu de Marine Le Pen. C'est-à-dire, précisément, faire “tout pour que le FN gagne Hénin-Beaumont”.