Sans moi  

(Texte initialement publié sur Blogger)

Attention : billet corporatiste.

J'écris “corporatiste”, parce que le sujet dont je m'apprête à traiter intéressera (peut-être) les habitués de la blogosphère politique française autant qu'il ennuiera (probablement) les autres. Je m'en excuse par avance auprès de ces derniers.

Le 31 mars 2009, Roman Bernard, membre fondateur du réseau LHC, a annoncé la création d'un nouveau réseau de blogs - un de plus -, dénommé “Renovatio Occidentalis”. Trois des cinq membres du comité directeur du réseau LHC - Lomig, d’Expression Libre, René, de Ce que je crois, et donc Roman - ont pris part à cette initiative, sans juger bon d'en informer au préalable le reste du réseau, ni même du comité directeur (pas moi, en tout cas).

Outre ces trois auteurs, ce réseau regroupe essentiellement des personnes dont j'ignorais jusqu'à présent l'existence, mais dont les blogs ressemblent plus à la page MySpace d'un frontiste de 14 ans qu'à autre chose. Sans rire.

Les réactions n'ont pas tardé. Comme prévu, j'imagine. D'abord celle de Fabrice, Manuel et Mathieu, virulente. Roman y a rapidement répondu, complètement à côté de la plaque. Un peu de suffisance, ça a son charme. Mais à ce point-là, ça en devient écoeurant. Il a également cru bon, en guise de représailles, de révéler chez Didier Goux les noms de famille de Fabrice, Manuel et Mathieu, qui ont pourtant fait le choix de l'anonymat. Du pur fascisme. N'ayons pas peur des mots, d'autant que ce n'est pas la première fois qu'il a recours à ce procédé abject, qu'il a osé considérer comme une “punition”.

Nicolas aussi a réagi, acide. Didier Goux, aussi, brillant sur la forme mais assez léger sur le fond - il faut dire que Didier s'est empressé de rejoindre ce nouveau réseau. Mathieu en a profité pour en remettre une couche, avec humour.

Ironie du sort, il me faut écrire ces lignes à quelques jours du premier anniversaire de ce blog, mais surtout peu après avoir défendu Lomig, Roman et René dans un procès caricatural en droitisme de la part de Nicolas. Mais le lecteur attentif de ce blog et de ses voisins sait bien qu'il ne s'agit pas, ici, de cela. Je me fous éperdument que l'on me qualifie de gauche ou de droite ; j‘ai écrit ce que j'ai écrit en toute bonne foi, parce que j'estimais qu'il était trop léger de dire “libéral = droitier = méchant”. Mais, hélas, on n'en est plus là. Loin s'en faut.

Il faut lire leur charte fondatrice. Sans faire dans la caricature, il s'agit de lutter contre une certaine crise morale qui minerait non seulement notre douce France, mais l'Occident tout entier. Une crise causée, pèle-mêle, par le relativisme, le communautarisme, l'atlantisme, l'européisme, le mondialisme… Bref, par tout ce qui fait mentir la terre. Mais aussi, évidemment, par l'islam (et pas l'islamisme, pour le coup), “respecté” tant qu'il n'est pas “importé de force en Occident” (sic), et, mains propres tête haute, le nationalisme. Comme c'est commode. Ces -ismes, nous dit-on, sont responsables de tous les maux, des inégalités sociales jusqu'à la dénatalité et même l'obésité, en passant par la “crise de la jeunesse” ou “les bandes”. En somme, l'Occident doit se renfermer, refuser l'autre à l'intérieur comme à l'extérieur, pour mieux renaître. Pas besoin de discuter, c'est “évident”. La rénovation occidentale, en somme, c'est une révolution nationale des temps modernes. Abonnement à Minute inclus dans le forfait, et carte d’Action française en option.

Tous les thèmes adressés, tous les jugements portés, toutes les postures choisies dans la charte du réseau “Renovatio Occidentalis” - jusqu'à ce nom absurde, pompeux, en latin, mais aux relents nauséabonds -, tout cela relève de la pensée d'extrême droite la plus classique, la plus inacceptable aussi. Écrire, au détour d'une phrase convenue, que l'on rejette toute xénophobie, tout racisme et que l'on souhaite dépasser le nationalisme n'a aucun sens lorsque chaque autre paragraphe, chaque autre idée transpire la haine de l'autre et le rejet de la différence. Ces réserves verbeuses sont au mieux démagogiques, au pire schizophréniques.

Cette découverte est, pour moi, brutale. Je savais Roman très porté vers les thèses de la droite nationale (je ne crois pas qu'il s'en défende, d'ailleurs, lui qui considère Le Pen lui-même comme un “communautariste”) ; et j'ai déjà eu l'occasion de m'opposer aux opinions de René sur “notre culture” et sa supposée “supériorité”. Mais je ne les pensais pas prêts à sauter ainsi le pas. En ce qui concerne Lomig, le choc est étourdissant. Mon ami, comment peux-tu cautionner, et surtout te joindre à une telle initiative ? Je te sais trop intelligent, trop vigilant pour ne pas y reconnaître ce que j'y vois. Quelle cause penses-tu faire avancer dans cette sinistre aventure ? Que vaut ton libéralisme s'il s'accommode d'une telle compromission ?

De ce dernier, j'espère recevoir bientôt une réponse. Au moins au nom de notre amitié, et de ce que j'en croyais constituer la fondation : une certaine proximité intellectuelle, un réel goût de l'échange et de la discussion.

J'ai écrit, récemment, que le réseau LHC avait cela d'unique que “l'appartenance de ses membres ne repose pas sur une plate-forme politique”. Je réalise avec amertume que cette particularité devait gêner autant Nicolas que Lomig, René ou Roman, pour qu'ils aient décidé de fonder ce nouveau réseau sur des bases idéologiques que j'ose qualifier d'extrême droite.

Depuis la précédente querelle, mon appartenance au réseau LHC ne tenait déjà plus qu'à un fil. Le voilà rompu : je ne peux accepter de prendre part à un comité directeur dont la majorité des membres se rattache à cette famille politique. Les autres LHC feront comme bon leur semble ; de par mon implication dans la vie du réseau, ma situation est différente. J'espère que ceux que je considère comme des amis le comprendront.

Je quitte donc le réseau LHC parce qu'il m'est personnellement impossible de faire autrement. Question d'hygiène morale.

 
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